Bonne année ! Avec le Smic qui est, en ce 1er de l’an 2022, revalorisé de 10,48 € à 10,57 € ; ça commence bien, n’est-ce-pas ? A l’avant-veille d’une élection présidentielle, et vu ce que nous promet 2022, il est temps de dresser un bilan. Dans quel état sont donc notre pays… et notre peuple ? C’est assez simple, tout ce qui avait été patiemment construit à la Libération et à l’inspiration du programme du Conseil National de la Résistance, sur les ruines d’un pays exsangue mais d’un peuple debout, a été méticuleusement détruit au cours de ces trente dernières années et plus encore lors de ce dernier mandat de Macron.
Je parle d’abord de nos industries. De l’Est au Nord, de la région parisienne au Rhône-Alpes, de la sidérurgie au textile, de l’automobile aux armes et cycles, etc elles sont parties vers les pays « à faible coût de main d’œuvre » au plus grand bénéfice des capitaux. On nous promettait qu’elles seraient remplacées par des industries « à haut niveau de technicité », bref qu’on emploierait des ingénieurs pas des ouvriers… Promesses de Gascons : c’est en Corée que ça s’est passé. Les emplois peu qualifiés ont bien fui vers l’Europe de l’Est, le Pakistan, le Vietnam, la Chine ou l’Afrique, et les petits dragons, eux, ont hérité des emplois exigeant une technicité. La France importe donc à la fois produits à grande comme à peu de valeur ajoutée. Le « Plan » n’est plus à l’ordre du jour ; le libéralisme vit au jour le jour, sans penser l’avenir, pour le malheur de notre production nationale et le bonheur des actionnaires. Résultat : entre chômeurs « totaux » et contrats précaires de toute nature (CDD, intérim, stages de formation…) c’est 9 millions au moins de Français qui restent au bord de la route.
Dans ce cadre les salaires stagnent (cf. la honteuse annonce de « l’augmentation » du SMIC au 1er janvier) et le pouvoir d’achat baisse car tout augmente (le cas des différentes énergies est significatif) ; 10 millions de Français sont en dessous du seuil de pauvreté.
Notre agriculture et l’industrie alimentaire sont incapables de prendre le tournant de la qualité désormais exigée, à juste raison, par les consommateurs. Du coup, le bio est réservé à ceux qui peuvent se le payer. Les grands exploitants, industriels de l’agriculture, contrôlent le principal syndicat et entravent les évolutions nécessaires, face à des gouvernants pleutres ou complices. La question de l’environnement est trustée par les bobos urbains pendant que nos campagnes crèvent.
L’égalité, territoriale comme personnelle, n’est plus au cœur de l’aménagement du pays. La concurrence « libre et non faussée », comme l’exigent les traités européens, démantèle le modèle social français.
Les services publics sont privatisés ou soumis à une concurrence inégale qui les détruit. Or il n’est de services publics structurant la société et le territoire, que sous la direction d’un Etat instrument de l’intérêt général. Si ce n’est pas le cas, c’est l’appât du gain qui est aux commandes et il n’y a plus de véritables services publics. C’est ce que les libéraux au pouvoir sous les gouvernements successifs ont patiemment organisé :
-France-Télécom, Edf-Gdf, la SNCF,… ont vu leur capital s’ouvrir et ceux de leurs dirigeants qui représentaient l’Etat, sont acquis au libéralisme et les pourrissent de l’intérieur ;
-la poste est devenue une société anonyme plus préoccupée de rendement que de services, les bureaux ferment et on installe des antennes dans les commerces ; la banque postale n’a rien à envier aux banques privées ;
-les autoroutes sont vendues et on envisage même de privatiser les routes nationales ;
-que dire de l’hôpital public, pilier de notre politique nationale de santé ? il est la cible d’une gestion purement comptable dont on a pu constater la catastrophe depuis le début de la pandémie ; pour ajouter un dernier chiffre à la litanie des suppressions de lits : ce sont 17900 qui ont été fermés sous le quinquennat Macron ; la plus grosse blague revient peut-être à la Cour des Comptes qui, en plein covid, demande 6 milliards d’économies annuelles et la fusion des CHU pour passer de 30 à 10 ;
-l’école publique, enfin, mérite une mention particulière ; creuset de la formation du citoyen, quelle que soit l’origine sociale de l’enfant, elle a été l’objet d’une attention particulière : il fallait la consumériser pour faire que l’enseignement commun ne soit plus d’excellence pour tous ; on a réussi : les écoliers français pointent aux dernières places des classements internationaux dans pratiquement tous les domaines, de la lecture aux mathématiques, de l’orthographe aux sciences,… la géographie et l’histoire ne sont pratiquement plus enseignées ; mais pendant le tiers temps scolaire on apprend le macramé et des personnels non-qualifiés sont censés enseigner des langues étrangères aux jeunes écoliers d’élémentaire et de maternelle ; le collège accueille des élèves qui ne lisent pas correctement tandis que le baccalauréat est à la carte, ce qui permet de ne pas faire chuter les pourcentages de « réussite » ; je ne parle pas de l’enseignement professionnel toujours sacrifié ; peut-on s’étonner que l’hémorragie vers l’enseignement privé s’amplifie ?
Le droit du travail déjà mis à mal par les lois El-Khomri et Macron sous le mandat de Hollande a subi de nouveaux coups de boutoir sous la présidence Macron. Les institutions représentatives du personnel dans l’entreprise sous supprimées ou fusionnées dans un cadre sans pouvoir. La judiciarisation a remplacé la négociation : les syndicats sont en partie vidés de leur substance… et de leurs militants. Les statuts protecteurs des salariés sont vilipendés : il faut la liberté… pour le patron. On invente des contrats encore plus précaires et la pandémie est utilisée pour casser un peu plus les protections salariales.
La sécurité sociale a été la proie de nombreuses attaques -dans ses 3 branches. Le pire est à venir, pour les retraites bien sûr comme Macron le rappelle régulièrement mais également pour son financement : les cotisations qui l’alimentent ont fait l’objet des nombreuses exonérations et, aujourd’hui, tous les libéraux (toute la droite, de LREM au RN en passant par LR ou l’UDI) parlent plus radicalement de les supprimer.
La France n’est pas pauvre pour cela ; elle est simplement de plus en plus inégalitaire. Pas par fatalité, par choix des politiques qui nous gouvernent aujourd’hui, par laxisme ou grande lâcheté de ceux qui nous ont gouvernés hier.
De l’argent, comme on dit, il y en a ! On en a trouvé pour sauver les banques, on en trouve pour financer le CICE et son successeur. L’évasion fiscale, contre laquelle on se garde bien de lutter, prive nos fonds publics de 80 à 100 milliards d’euros chaque année. Et si les salariés deviennent plus pauvres, rassurez-vous, la France reste le paradis des actionnaires : les grandes entreprises françaises vont verser 52 milliards d’euros de dividendes cette année, soit un rebond de 42 % en un an ; le plus gros scandale étant peut-être celui de Sanofi, tout le monde ne souffre pas de la pandémie !
Dans ce contexte, la France se fendille, le sentiment d’appartenance à la communauté nationale citoyenne se délite, le communautarisme prospère sur le terrain du libéralisme, du racialisme et du wokisme bobo. On a vilipendé la laïcité, condition non seulement du « vivre ensemble » mais du débat libre de tout dogme et donc de l’exercice de la citoyenneté. On installe le religieux dans l’espace public au grand dam du peuple français qui affiche alors sa méfiance de toutes les institutions y compris les partis politiques censés le représenter. La gauche syndicale et partidaire est moribonde. Le peuple réagit pourtant, il s’auto-organise. De nombreux collectifs formés de personnels, d’usagers, quelquefois d’élus, s’acharnent à défendre écoles, hôpitaux, maternités, bureaux de poste, centres des impôts… De nombreuses grèves locales et occupations d’usines répondent aux fermetures et aux délocalisations. Les Français ne baissent pas la tête : le peuple des zones rurales se révolte en gilets jaunes et les étudiants et classes moyennes urbaines se réunissent en nuits debout ; mais tous constatent que leurs luttes n’aboutissent pas ou bien peu.
Le débat de l’élection présidentielle va-t-il répondre à ce malaise ? Rien n’est moins sûr. Puisse-t-il, au moins, faire prendre conscience aux politiques, à ceux qui se réclament de la gauche, que rien ne se fera sans prise en compte des aspirations populaires… et qu’on ne donne pas de leçons au peuple.
0 Réponses à “Mon édito dans le numéro de janvier 2022 de RESO”