Tandis que je participais, à Rubrouck dans le Nord, à la 5ème édition des Rencontres de Lurais, dans le 20ème, à la Bellevilloise, c’était le lancement du Printemps républicain. Je leur avais adressé un message :
Retenue par un rassemblement, fixé de longue date, de Républicains de la gauche sociale, je regrette de ne pouvoir être parmi vous ce 20 mars.
Je souhaite pleine réussite au Printemps républicain. Cette réussite est une EXIGENCE.
Une exigence de Liberté, d’Egalité, de Fraternité. Pour toutes et tous.
Une exigence qui ne peut s’exprimer pleinement qu’au sein d’une République sociale et laïque et qui s’assume comme telle.
Il fût un temps où cela était naturel, où chacun connaissait notre Histoire, où la gauche était indissociable du combat républicain, du combat pour l’égalité, du combat pour la liberté de penser.
Ce combat pour la République, il a été mené frontalement face à l’Eglise catholique. Il était alors porté par toute la gauche clairement, sans ambiguïté, fièrement ; et conjointement avec celui de l’Ecole publique. Il s’agissait de permettre à la pensée de se libérer du dogme. Il s’agissait de permettre l’épanouissement de tous –en particulier des classes populaires soumises à l’enseignement des « ignorantins », c’est tout dire.
La gauche savait que la République laïque, non seulement protégeait les plus faibles, mais était leur seule garantie de pouvoir s’élever, devenir pleinement citoyens. Citoyennes.
Alors que s’est-il passé ? Il s’est passé que pour des raisons économiques et sociales mais aussi parce que la culture du « différencialisme » anglo-saxon s’est installée aux dépens de l’Universel, notre société fait de moins en moins « Nation » au sens de Renan. Le « Vivre ensemble » est devenu vivre les uns à côté des autres quand ce n’est pas les uns contre les autres.
Ne nous trompons pas de combat laïque.
Le drame de la République absente ne se joue pas dans les beaux quartiers. Le mot « laïcité » y est travesti pour servir d’alibi au rejet du pauvre. Ces pourvoyeurs de participants à la « manif pour tous » nient l’universalité de l’être humain que seule reconnait la laïcité : même droits –dont le droit à l’indifférence !- quels que soient l’origine, le sexe, la religion, réelle ou supposée, ou l’orientation sexuelle.
Le drame de la République absente saccage la vie de nos banlieues et de nos quartiers populaires. Les premières victimes en sont les femmes.
Une partie de la gauche, obsédée par la promotion du différencialisme culturel, ignore qu’il engendre la différence des droits et s’affronte à la laïcité.
C’est étrange de constater qu’une forme de néo-colonialisme la conduit à ne pas savoir traiter chacun –surtout chacune- comme un (une) Egale-e. Et refuse de débattre avec une autre tradition et surtout de s’y affronter.
C’est inquiétant que cette gauche présuppose spontanément qu’une femme issue de l’immigration maghrébine ait envie de porter le voile. Comme les catholiques d’il y a un siècle pensaient que la place des femmes étaient à la maison, qu’elles trouvaient leur bonheur en élevant les enfants…
C’est assez désespérant que le rapport de pouvoir des hommes sur les femmes et la pression de la bien-pensance soient évacués. Car enfin –et c’est Mohamed Kacimi, écrivain algérien qui le rappelle- les fondamentalistes d’aujourd’hui donne au hijab la même fonction que St Paul il y a 2000 ans : signifier à la femme en public qu’elle est un être inférieur soumis à l’homme.
Des femmes peuvent-elles accepter cela ? La République peut-elle accepter cela ? Il y avait sans doute des esclaves heureux de leur condition. La société progressiste a pourtant eu raison de combattre l’esclavagisme.
75% des personnes « supposées d’origine musulmane » ne vont pas à la mosquée le vendredi ; plus d’un tiers de ces mêmes personnes se déclare croyant mais non pratiquant ; et pour les jeunes ayant suivi leurs études ou vivant dans des quartiers « mélangés », lorsqu’ils sont croyants, leur islam revendiqué est un islam d’Europe, modernisé et leur foi est personnalisée.
Invitons toute la gauche à regarder ces réalités en face.
Permettre la prégnance de la religion dans certains quartiers, c’est refuser un même exercice de la citoyenneté sur notre territoire et brimer les plus défavorisés ; c’est aussi accepter pour les femmes l’humiliation de la soumission.
Dans les pays où l’islam est religion majoritaire, des hommes et des femmes luttent pour s’en abstraire. Saluons les femmes tunisiennes, algériennes, égyptiennes, yéménites, kurdes qui se battent, parfois les armes à la main, toujours au péril de leur vie. Saluons les hommes qui soutiennent ce combat. S’il est plus facile aux intellectuels de le faire, n’oublions pas la pression qui pèse sur l’homme du commun, qualifié de faible qui ne sait pas tenir sa femme, ses filles, ses sœurs.
Leur combat nous oblige. Notre République a cette responsabilité, ce devoir, d’être vis-à-vis d’eux, exemplaire.
Voila pourquoi je nous invite collectivement à faire vivre la République partout :
-en favorisant nos contacts avec des chercheurs en islam et les « musulmans progressistes » conscients qu’ils sont de l’impérative nécessité de « refonder la pensée islamique en y intégrant l’égalité femmes-hommes », comme disait Galeb Bencheickh dans l’Humanité. Ce sont eux qu’il faut mettre en avant plutôt que Tariq Ramadan ou l’Imam de Brest.
-en multipliant tous les liens possibles avec des collectifs comme « Femmes sans voile » d’Aubervilliers ou la « Brigade des mères ». Ils sont le fer de lance de nos luttes dans ces quartiers abandonnés de la République.
Le féminisme, simplement l’aspiration de toutes et tous à l’égalité des droits, ne survivraient pas, dans notre pays, à un affadissement de la laïcité.
Vive la République !
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