Jean-Luc Mélenchon, lors de son meeting de dimanche dernier, après avoir retracé les actes de fraternité qui caractérisent cette région du Nord-Pas-de-Calais dans le travail de la mine ou sur les champs de bataille, a lu une partie de ce poëme d’Aragon.
CANTIQUE AUX MORTS DE COULEUR
l y a des cimetières
Où les paroles fleuries
Tombent droit comme des pierres
Dire morts pour la patrie
Dire tombés pour la France
C’est manière de causer
Une rime à la souffrance
Affaire de s’excuser
Que saviez-vous des querelles
Que réglaient en miaulant
Les fusants et shrapnells
Ces inventions de blancs
Hommes noirs tombés en Flandres
Dans la neige de chez nous
Qui pour parler à vos cendres
Se mets jamais à genoux
Vous êtes comme une brique
Par grand vent tombée du toit
Vous qui cherchiez votre Afrique
Dans le soleil de l’Artois
Vos chansons se sont éteintes
Comme des feux trop légers
On n’écoute plus les plaintes
Quand les mots sont étrangers
Trente ans passent comme un jour
Sur les tombes exilées
De l’herbe pour tout amour
Et la croix matriculée
La terre dans sa mémoire
Donne à tous également
Qu’ils soient blancs ou qu’ils soient noirs
La couleur des ossements
Mais qui surgit qui chemine
Un cortège l’autre suit
Les uns couleurs de la mine
Les autres couleurs des nuits
Comme les bras de la montre
S’unissent quand c’est midi
Les voici qui se rencontrent
Parmi les morts de Vimy
Parmi les morts de Lorette
Blancs et noirs ensemble mis
La caravane s’arrête
Où les siens sont endormis
Noël d’un juillet torride
Noël dans les blés mûris
Nulle étoile ne nous guide
Vers la crèche ou l’enfant crie
Noël sur les sépultures
Et sur les bouquets flétris
D’où naît le soleil futur
Qu’enfantent mille Maries
Et nous somme les Rois Mages
De l’aurore que voici
Les uns de lointains parages
Les autres de par ici
Ö gisants de notre terre
Vous avez de votre sang
Payé pour ceux qui restèrent
L’avenir éblouissant
Il transforme en sacrifice
Les anciens assassinats
Noirs ou blancs nous sommes fils
De ces noces de Cana
En nous se métamorphosent
L’injustice et le destin
De la terre naît la rose
Des ténèbres le matin
Le soleil sort des nuages
De la douleur sourd le cri
L’homme comprend l’esclavage
Dans les champs de la tuerie
Où s’unissent les victimes
Un seul amour est crié
Tout devient clair et le crime
Et qui sont les meurtriers
A la fin ceux-là qu’ils tremblent
Fini de nous diviser
Nos défunts dorment ensemble
Et c’est où fraterniser
Cœurs battants cœurs de la foule
Immense du genre humain
Entendez-vous comme roule
Le tambour des lendemains
Il dit que vous saurez faire
Et là sur notre serment
Un paradis de l’enfer
Pour tous indistinctement
Il dit qu’au dessus de tombes
Le vaste ciel de l’été
Où palpitent les colombes
Est fait l’humanité
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