Ainsi donc le verdict des urnes est tombé. Le candidat social-démocrate atteint presque les 29%, celui du Front de gauche fait le score tant attendu de 2 chiffres à un peu plus de 11%, même si les derniers sondages laissaient espérer mieux. La droite dure se maintient, avec le président sortant, à plus de 27% tandis que la droite chrétienne-démocrate ne réussit pas sa percée à 9%. Le score de Le Pen, à plus de 18%, démontre d’une part que « le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête immonde » mais aussi, et cela doit nous porter à réfléchir, qu’une partie du peuple français, parmi les plus défavorisés, se sent encore tellement exclue de la société qu’elle préfère choisir un vote de rejet à un vote d’avenir.
Le score de Jean-Luc Mélenchon est bon, remarquable même, si l’on pense qu’il est parti en début de campagne à moins de 5% ! Le Front de Gauche a manifestement réussi à redonner de l’espoir dans les quartiers populaires gangrennés par l’abstention. Et pourtant il laisse un petit goût de manque car nombreux sont ceux qui -avec moi- espéraient 2 ou 3 points supplémentaires. Le vote soi-disant « utile » a hélas encore joué. Il semble que le choix de la tactique de la sécurité immédiate s’est fait au détriment de la stratégie de la reconstruction : 1,5 à 2 points de plus pour Mélenchon contre 1,5 à 2 points de moins pour Hollande et, sans que le 2ème tour en soit changé, la physionomie de l’après élection aurait été tout autre. Le gauche de rupture avec le libéralisme aurait pesé plus fort ; les forces sociales, sans lesquelles -et chacun le sait- rien ne sera possible, auraient été plus mobilisées et plus confiantes. Aujourd’hui ne ressentent-elles pas cette élection comme un échec de plus après celui des retraites ? Vont-elles rebondir ?
Maintenant, l’urgence est de virer Sarkozy. Et de se mobiliser pour battre le président sortant. La perpétuation à l’Elysée de la droite dure et sans complexe qu’il représente serait une catastrophe pour notre pays et son peuple. Inutile de rappeler tout ce qu’il a détruit en 5 années d’un règne méprisant pour ceux qui essaient de vivre de leur travail : privatisations, dérégulations, baisse du pouvoir d’achat, casse du droit du travail, remise en cause de la protection sociale, de l’accès aux soins, de la retraite à 60 ans pour tous, remise en cause de l’école publique et laïque, etc. Un nouveau quinquennat de Sarkozy risquerait de marquer définitivement la fin de la France issue du Conseil National de la Résistance. La priorité est donc claire en cette préparation de 2ème tour : il faut battre la droite.
Bien évidemment, cela ne suffira pas. L’union Européenne fourbit de nouvelles armes anti-sociales : renouveau de la directive bolkestein, instauration d’un salaire minimum différencié, remise en cause du droit de grève. Sans parler des projets du MEDEF et de la « Troïka » (UE/FMI/BCE) et des plans européens d’austérité déjà imposés à la Grèce et au Portugal, mais prévus pour l’Italie, l’Espagne et la France.
Le candidat François Hollande insiste sur l’impératif de croissance qui peut nous permettre de sortir de cette spirale, mais ses « conseillers » ne remettent pas en cause le pacte budgétaire européen ou le mécanisme européen de stabilité. Pour aider François Hollande –s’il est élu- à ne pas devenir le Papandréou français, il nous faudra être socialement vigilants et mobilisés.
Rappelons-nous 1936 : Le programme qui a porté le Front Populaire au pouvoir n’était pas plus progressiste que celui du candidat de la gauche à ce 2ème tour. Et pourtant ! Et pourtant, nous vivons encore aujourd’hui sur le souffle et les acquis du Front Popu. Parce qu’alors les forces sociales ont su rappeler au gouvernement à qui il devait son élection. Parce que les grèves ont imposé des conquêtes de nouveaux droits. Parce que la mobilisation sociale a été au rendez-vous.
C’est un nouveau défi qui nous appelle : après la victoire possible de la gauche le 6 mai, forcer François Hollande à devenir le Léon Blum de notre temps.