Régis Debray: « Mes sympathies vont à Jean-Luc Mélenchon ».
Dans Rêverie de gauche, l’écrivain et philosophe associe République et peuple et prend position sur les enjeux électoraux, à quelques semaines de la présidentielle.
En cliquant ci-dessous vous retrouverez l’entretien réalisé dans l’Humanité de ce mardi 20 mars par Mina Kaci.
Vous trouverez également ci-après la déclaration de Lucien Jallamion, SG de République et Socialisme, intitulée : RELEVER LA GAUCHE AVEC LA FRANCE !
Régis Debray « Mes sympathies vont à Jean-Luc Mélenchon – Entretien réalisé par Mina Kaci / l’Humanité
Dans Rêverie de gauche, Régis Debray, écrivain et philosophe, associe République et peuple et prend position sur les enjeux électoraux, à quelques semaines de la présidentielle. On n’est pas surpris que le mot «République» revienne souvent dans votre livre. Mais un deuxième terme, «peuple», paraît également avec force. Comment associez-vous les deux notions ?
Régis Debray. La question n’est pas simple, parce que l’on a pu reprocher à la République d’être bourgeoise et d’escamoter la question sociale, en excluant les prolétaires. Mais telle n’était pas la position de Jaurès, pour qui la République était sociale nécessairement. Ce qui associe les deux termes, c’est la nation. La République est toujours née dans un contexte de défense nationale, sauf peut-être en 1848, et ceux qui défendent la patrie agressée ou occupée ce sont plutôt les sans-culottes que les bourgeois.
Vous insistez beaucoup sur l’atlantisme et vous en faites un axe essentiel de votre réflexion. Estimez-vous regrettable le silence des deux principaux candidats ?
Régis Debray. Ce n’est pas étonnant venant du candidat de la droite libérale. Celle-ci a toujours cherché refuge auprès des États-Unis et a toujours voulu adapter le modèle de société américain. Le plus étonnant, c’est le silence du candidat de la gauche officielle. Je ne fais pas une fixation sur l’atlantisme, mais je pense que l’enrôlement dans la piétaille de l’Otan, c’est le symptôme d’une aliénation intellectuelle et d’une abdication nationale. Nous ne produisons plus une conception du monde, nous ne définissons plus nos menaces ni nos ennemis par nous-mêmes. Un pays vassalisé n’est plus proprement une République.
Vous remettez en cause ceux qui, comme Nicolas Sarkozy ou Pierre Moscovici, sont allés déclarer à l’ambassadeur des États-Unis leur désaccord avec la position française officielle s’opposant à la guerre en Irak. C’est un fait qui semble vous avoir beaucoup heurté…
Régis Debray. Oui, c’était à la fois une preuve de cécité politique et intellectuelle, parce que Jacques Chirac et Dominique de Villepin avaient fait le bon choix, et comme une marque d’allégeance envers la puissance impériale manquant de dignité.
Vous écrivez: «Je continue de croire possible la présence au forum d’hommes et de femmes épris de justice, capables de rester fidèles à leur intégrité, leur langue, leur histoire et leur quant-à-soi, bref, à leur raison d’être.» Est-ce votre définition du «peuple de gauche» ?
Régis Debray. Je pensais surtout à nos représentants politiques, aux partis dits de gauche, qui me semblent avoir une tendance à se laisser phagocyter par les idées dominantes, via la pression médiatique. Il est toujours difficile de penser par soi-même, mais comment être de gauche en suivant la ligne de la plus forte pente ?
Vous dites qu’il «n’est pas moins singulier qu’au moment où “démocratie” est dans toutes les bouches, “peuples” sente le soufre». Comment l’expliquez-vous ?
Régis Debray. Deux raisons peuvent l’expliquer. D’abord, le souvenir des États totalitaires, qui se réclamaient du peuple, du «Volk» hitlérien ou des masses. L’appellation «démocratie populaire» a laissé des marques. Ensuite, une prétendue construction européenne qui se mène par en haut et dans le dos des peuples. On aboutit à cette chose curieuse que le mot «démocratie», qui veut dire «pouvoir du peuple», est omniprésent mais contradictoire, comme une démocratie sans peuple.
«République», «hommes épris de justice», «communauté nationale», retrouvez-vous ces notions dans les prises de position de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche?
Régis Debray. Je ne suis plus un militant, je veux simplement rester fidèle à une trajectoire politique ancienne, à un certain nombre de principes qui ont orienté ma vie et, en marge de mon travail littéraire, j’ai publié cette rêverie d’un promeneur solidaire, pour un simple relevé de position personnelle. Je constate que Jean-Luc Mélenchon est le seul à réclamer notre sortie des commandements intégrés de l’Otan, posture tout à fait gaullienne, et un retrait immédiat de nos troupes de l’Afghanistan pour mettre fin à une aventure impériale aussi contre nature que promise à l’échec. C’est là faire preuve à la fois de courage et de bon sens. À l’heure qu’il est, mes sympathies vont à cet homme pour qui la politique ne se détache pas de l’histoire et qui ranime les fondamentaux du mouvement ouvrier et humaniste, où un Jaurès aurait pu se retrouver.
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RELEVER LA GAUCHE AVEC LA FRANCE (déclaration de L. Jallamion, SG de R et S)
Dans « Rêverie de gauche », l’écrivain et philosophe Régis Debray associe République et peuple et prend position sur les enjeux électoraux, en soutenant Jean-Luc Mélenchon à quelques semaines de la présidentielle.
République & Socialisme se félicite que Régis Debray s’engage aux côtés du Front de Gauche.
Après la déclaration de Didier Motchane, c’est un autre intellectuel et militant républicain qui s’engage.
Qu’un ancien compagnon de Che Guevara et que l’un des principaux auteurs du programme commun s’engage au sein du Front de Gauche, nous en sommes fiers, nous en sommes heureux. Qu’en plus il s’agisse d’anciens compagnons de route, nous voici comblés :
► Régis Debray, que certains d’entre nous avons eu l’honneur de côtoyer et dont nous nous souvenons de l’excellente conférence en Sorbonne en novembre 1998 sur « la République : entre le code et le glaive », ou en 2002 lors de l’élection présidentielle ;
► Didier Motchane, intellectuel du socialisme, créateur et animateur des « cahiers du CERES », « Frontière », « Repères », « NON » et « Enjeu », et qui quitta le Parti Socialiste avec nous pour fonder en 1993 le Mouvement des Citoyens.
L’arrivée de ces deux hautes figures apporte leur sincère caution à un mouvement de fond, populaire, qui refuse de voir la gauche résumée aux rivages socio-libéraux. L’extraordinaire succès de la Bastille démontre la réalité de ce mouvement, ainsi que la justesse de la campagne du FdG. Partout, elle suscite des engagements et redonne espoir au peuple.
Nous devons dépasser nos anciennes querelles, nous devons être fiers de notre parcours, du sillon que nous avons tracé depuis des décennies. Aujourd’hui, le temps est venu de nous unir pour ne pas laisser passer ce moment qui peut faire date historiquement.
Nous appelons donc toutes celles et tous ceux qui ont la République au cœur à ne pas rester au bord du chemin, toutes celles et tous ceux qui veulent relever la France avec la Gauche à nous rejoindre.
Paris, le 20 mars 2012
Je découvre au hasard de mes flâneries sur la toile votre blog.
Le parcourir m’a fait l’effet d’une grande bouffée d’air frais non pollué et tellement revigorant.
Soyez en ici remerciée.
Alain Chaleix