MOBILISATION CONTRE LA REFORME DES RETRAITES
Didier Le Reste : «Pourquoi pas une grève reconductible ?»
propos recueillis par Sébastien Lernould | 06.09.2010, 07h00
Le secrétaire général de la fédération CGT-Cheminots, première organisation syndicale à la SNCF, prévoit 60% de grévistes chez les conducteurs de trains voyageurs.
Pourquoi appelez-vous les cheminots à se mobiliser alors que la réforme ne les concerne pas encore?
DIDIER LE RESTE. Le calendrier est juste décalé pour les régimes spéciaux. Le report de l’âge légal de départ à la retraite aura des incidences pour tous les cheminots à partir de 2017. Le décret ministériel nous concernant, qui doit sortir après la réforme, pourrait même durcir certaines dispositions du texte.
Est-ce que vous vous opposez toujours, contrairement aux autres syndicats de la SNCF, à appeler à une grève reconductible?
Aujourd’hui, nous sommes dans une action interprofessionnelle unitaire, nous ne décidons pas seuls des modalités. Ce serait irresponsable de mener une action différente des autres secteurs, cela risquerait de diviser et donc d’affaiblir le mouvement. Après la journée de demain, si le gouvernement reste sourd, pourquoi ne pas mener un mouvement avec d’autres modalités, comme une grève reconductible. Mais il faudra au préalable que d’autres secteurs professionnels viennent avec nous dans la bagarre.
Quel niveau de mobilisation attendez-vous?
Nous ferons encore mieux que le 24 juin quand 46% des cheminots s’étaient mobilisés. Ce week-end, nous avons recensé 60% de conducteurs de trains de voyageurs prêts à faire grève. Au-delà de cette réforme brutale, inefficace économiquement et injuste socialement, la situation est alarmante en termes de salaire, d’emploi et d’activité fret à la SNCF. Au dernier conseil administration, même le ministère de l’Economie s’est ému du nombre de suppressions de postes!
C’est la cinquième grève à la SNCF cette année. Vous ne craignez pas que les cheminots se mettent à dos les usagers?
Avant d’être des usagers, ils sont des citoyens concernés par cette réforme qui touche l’ensemble du monde du travail. Demain, ils seront, je l’espère, avec nous dans la rue.
La grève est-elle toujours une arme efficace à la SNCF? Les dernières ont montré que, malgré la mobilisation, le trafic est peu perturbé…
Contrairement aux médias, nous ne jugeons pas la réussite d’une grève au blocage du trafic. Son efficacité ne se mesure pas à l’action de quelques grévistes qui pourraient sans problème bloquer les postes d’aiguillage et paralyser le trafic. Ce qui compte, c’est la masse de salariés engagés dans l’action. D’autre part, je tiens à souligner que, quand la direction de la SNCF dit que le trafic est conforme aux prévisions, c’est souvent une contre-vérité. A chaque fois, des trains annoncés ne circulent pas. Mais personne ne vérifie!
Eric Woerth doit-il selon vous démissionner?
Sa proximité avec le monde des affaires le discrédite. Mais si c’est pour qu’il soit remplacé par un autre qui mène la même politique, qu’est-ce que ça va changer?