Il n’y a pas si longtemps que nous tenions notre congrès. Nous nous sommes fixés comme but la (re)construction d’un grand parti de toute la gauche. On ne manque pas d’ambition, c’est bien. Mais il n’est pas sûr qu’on avait prévu qu’en ce jour du 23 novembre 2008 la situation à gauche en serait là !
Un parti socialiste bloqué, coupé en deux, enfin au moins en deux.
Je ne reviendrai pas sur les textes des motions. Terriblement décevants pour les 3 premiers d’entre-eux. Pas à la hauteur de l’enjeu à proposer à la France et aux Français pour sortir notre pays de l’ornière. Un langage quelque peu SFIO avec de grandes déclarations à gauche et des propositions de moyens totalement en décalage. Pas de véritable volonté de lutter contre le capitalisme financier et pas de réelle remise en cause de son outil principal : la construction européenne. L’un des leaders de motion, qui a pris une sacrée claque –en oubliant à la fois que toute la France n’est pas boboïsée et qu’un congrès socialiste se gagne à gauche- est même allé jusqu’à affirmer son allégeance au social-libéralisme ! Pour les deux autres, Aubry promeut des objectifs en déphasage pour ne pas dire en divergence avec les moyens proposés et Royal affiche des évolutions de forme et, comme d’habitude, constance dans l’inconstance, le flou ou les incohérences sur le fond. Restait Benoit Hamon. Personnellement, j’ai ressenti comme un véritable espoir cette tentative de réunion de la gauche du PS. Même si, en y réfléchissant bien, le pari était difficile : de grands tenants du NON, Montebourg ou Fabius, avaient choisi une autre stratégie et un autre camp.Aujourd’hui Benoît Hamon, dont la motion est affaiblie et divisée, a choisi le soutien à Aubry… sans un franc succès d’ailleurs.Exit donc l’idée de travailler avec une alliance Royal-Hamon, relookage de la présidentielle sur la forme, recentrage à gauche sur le fond.
Pour reconstruire un grand parti de gauche il faut des partenaires.
Alors, quel attelage ?
- Aubry/Fabbius/Strauss-Khan/Delanoë, vainqueurs ( ?) aux points (aux poings ?) mais pour combien de temps ? Sur quelles bases ? Celles de Fabius ou celles de Strauss-Khan ? Celles de Aubry ou celles de Delanöé ? Ils sont d’accord sur l’essentiel mais ils se détestent et ne s’en cachent pas. C’est le « TSS » qui les a réunis.
- Du côté de Royal, Peillon peut être séduisant mais Montebourg n’a pas de boussole et Valls n’a rien à envier à Delanöé sur le plan du social-libéralisme.
On me dit, ici et là, que se pose la question de la nature du PS. Ce que fait Ségolène Royal séduit certains : l’appel à l’électeur par dessus la tête des appareils. Cela fait peur à d’autres qui pensent que cette forme de démagogie augure plus d’un parti démocrate à l’américaine, souhait d’ailleurs affiché de Valls.
Alors je m’interroge. Le recours direct au peuple a participé à l’enthousiasme de la candidature Obama aux Etats-Unis. Lequel Obama est plutôt kénésien ce qui n’est vraiment pas pour me déplaire en la circonstance. Je suis de celles et ceux qui croient au rôle de l’Etat dans l’économie… et je crois que le peuple – le peuple français en particulier – le souhaite.
Pour moi, le changement de nature du PS ne se situe pas là. Il se situe dans le décalage entre ce qui devrait être sa base sociale et la réalité. Il se situe dans le fait qu’il confond depuis longtemps modernisme et progrès et, par là, boboïtude et défense du peuple. Il se situe dans le fait que les ouvriers et plus généralement les salariés ne votent plus pour lui ou seulement par défaut.
Et je reviens à notre question de départ : comment construire le parti de toute la gauche ? Eh bien mes camarades, avec patience.
Je ne suis pas de celles, après 30 ans de militantisme, qui poseront leur balluchon et baisseront les bras. Avec patience et tenacité donc. En exposant nos fondamentaux au paysage politique tel qu’il est et non tel que nous aimerions qu’il soit.
- Avec les deux grandes factions du PS qui comportent en elles, on le sait, des éléments qui sont sensibles à nos questions.
- Avec le PCF, qui évolue et qui prend en compte les évolutions du paysage politique qui l’entoure. Sa nouvelle direction n’est pas encore élue. Il est probable que ce sera Marie Georges Buffet peut-être parce qu’elle le veut, peut-être aussi pour que les dissonnances internes ne se montrent pas au grand jour. Mais il n’est pas complètement inenvisageable que de nouvelles têtes apparaissent. Pierre Laurent tenait encore la corde il y a peu de temps, mais également Dartigolles ou Bessac. Bref ce n’est plus l’ère Robert Hue et il nous faut en tenir compte.
- Enfin il y a la dissidence Melenchon. On ne peut la passer pour pertes et profits ; elle est un des rares aspects intéressants du congrès de Reims…. Et elle nous renvoie à notre propre aventure. Peut-être en mieux préparée : PRS avait déjà toutes les structures d’un parti et en particulier un vrai réseau de militants enthousiasmes, motivés et très présents, que beaucoup d’entre-nous ont découvert et vu à l’œuvre en 2005.
Leur pari est double :
* attirer les militants sincères du PS qui ne supportent plus ce qu’est devenu leur parti -et il y en a dans diverses sensibilités-, en particulier ceux que le ralliement de Benoit Hamon à Aubry ne séduit pas.
*attirer tous les Français sans attaches partidaires, qui s’investissent dans les différents collectifs par exemple ou dans les luttes sociales, en tous cas qui appellent de leur vœu la création d’un parti vraiment de gauche, vraiment alternatif à la politique menée par Sarkozy. Croyez-moi, la part de marché existe ! Réussiront-ils à la mobiliser ? Et que faisons-nous par rapport à ça ? Ils sont sur un créneau qui est en partie le nôtre. Pouvons-nous participer à cette mobilisation ? Ca mérite d’être réfléchi !
La stratégie de ce nouveau parti de gauche interfère avec la nôtre. Ils veulent profiter des élections européennes pour créer un rassemblement de style « front des non », une force qui compte à gauche.
Leur stratégie est donc celle de la main tendue au PCF et à nous-mêmes, MRC. Le PCF y a répondu positivement. Il a même modifié sa déclaration politique en conséquence lors de son congrès.
Pour nous, je le pense, l’interrogation est réelle.
Pour un tas de raisons :
1/ les élections européennes sont pour le MRC identitaires, je ne m’attarderai pas ;
2/ le parlement européen n’a pas de poids décisionnaire sur la vie politique française et ne nous oblige donc pas à des accords « classiques » comme pour les législatives, les régionales, les municipales qui ont des conséquences immédiates en nombre d’élus. Et puis il n’est pas certain, étant donné les exigences très raisonnables du PCF – 2 élus sortants, 2 élus entrants- qu’obtenir un élu MRC dans ces conditions soit strictement irréaliste.
3/l a question de la longue marche pour la reconstruction d’un grand parti de toute la gauche semble aujourd’hui s’imposer… Alors, cette longue marche ne passe-t-elle pas par l’étape de la construction, aux côtés du PS, d’une force crédible et attractive ?
On ne peut balayer cette éventualité d’un revers de main.